Confinement
Les jours ressemblent aux précédents, les heures s'égrainent comme d'un chapelet, il fait beau, le climat se ressemble d'un jour l'autre, la ville est calme, comme apaisée, à l'horizon pas un bruit. Plus une voiture ne circule dans les rues, pas de démarrage de moteur, pas de freinage, pas de passage, aucune moto ne vrombit dans le quartier, plus de chargement sautant dans les trous et les bosses des artères urbaines, plus de camion-poubelles résonnant dans le quartier, au loin les sirènes des trains ne strient plus l'air citadin, pas un vélo ni une sonnette… Plus de chantier, plus d'hélicoptère, plus de sirène d'urgence, plus de descente ou de lever de rideau de fer, plus de bruit de fond… les voisins se terrent, les chats sont sages, les oiseaux seuls épanouissent leur chant de printemps.
-Quel jour est-on ?" personne ne sait. Les actualités ne donnent pas cette information. Seuls les chiffres des morts du jour scandent les soirs.
-Qu'allez-vous faire demain ?" "Je n'en sais rien… " "peut-être comme aujourd'hui !" = rien ?"
Le courrier n'est plus distribué, plus de facteur, plus de facture, plus de récrimination, plus d'erreur en votre défaveur, plus de contact papier…
Les dealers ont disparu de la place du nœud routier. La vie est paisible…
A-t-on besoin de s'habiller ? Que mange-t-on aujourd'hui ? Pourquoi pas la même chose qu'hier ? Hier a-t-il existé ? Demain sera-t-il ? On ne sait pas, on ne sait rien…
On traîne, les informations se répètent, se ressemblent, rien de nouveau, pas d'avenir… Le virus, le virus, le virus… même le sport est absent ! Les publicités ont disparu ou presque, plus d'interruption intempestive d'émission… émissions bricolées pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que les systèmes informatiques, électroniques, numériques soient enfin mis en œuvre de manière optimum. De la musique de variété, parfois recherchée pour calmer les impatiences, infusent les séquences radiophoniques.
Les antennes nationales ne proprosent plus que des rediffusions… La recherche de l'autdimat a disparu : place à la culture… la culture vieillie, certes, la culture confite, mais socle commun d'un pays mobilisé… Tout le monde semble s'être mis en retrait, en retraite… Le passé a-t-il existé ? Quelle était la vie d'avant ? Quelle était cette frénésie ? Tout cela est impalpable…
Certains voisins sont partis, certains ne bougent plus. Les étrangers de l'immeuble se confinent entre copains quelque part dans la banlieue… La chaleur communautaire les préserve peut-être… Les autres ne sortent plus, ils vivent sur leurs provisions, passent de leur lit à une chaise de cuisine, puis rejoignent le canapé ou un fauteuil… Plus de conversation dans les cours ou sur le trottoir, plus de son de voix. Tout se ressemble, aucun bruit n'arrive de l'immeuble ou de la ville… on se croit en vacances d'été, en plein milieu de l'effervescence printanière de la ville… On est suspendu… comme sidéré !
Attend-on que cela finisse ? Redoute-on le virus ? On ne bouge plus… On est médusé…
-C'est moins dangereux que la peste dit-on…
-Tchernobyl aurait-été pire !
-Il fait beau, la vie s'est arrêtée comme dans un bocal,
-la ville n'est pourtant pas figée comme à Pompéï car on est vivant…
Le danger est dans les esprits, dans les média qui ne connaissent plus d'autre sujet, mais le danger ne se voit pas.
Quelques personnes se trouvent alitées, d'autres passent de mauvais moments, on sait qu'au loin, l'hôpital réquisitionné affiche complet, mais c'est de l'autre côté de la ville…
Tout est devenu irréel, tout est en suspend… il ne se passe rien, il n'arrive plus rien… La ville et le pays sont plongés dans un calme et un silence profond… inattendu, imprévisible, redoutable pour certains, délicieux pour d'autres…
On se croirait dans ces sociétés pacifiques, perdues au milieu de l'océan, où la météo du jour est la même que celle du lendemain et celle de la veille, où l'emploi du temps ne varie pas, où la vie se perpétue égale à elle-même, sans variation et sans repère… L'horizon du temps est le même que l'horizon de la plage : infini. Une notion de vie sempiternelle s'est installée dans les esprits… l'urgent, l'important n'existent que pour les malades, le reste est idillyque… sans que l'on sache en quoi et comment… On est dans un rêve… sous la férule de Morphée !
à suivre…
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